jeudi 30 juin 2011

Climatisation


La ventilation de la Toyota souffle une petite brise de climatisation, le tissu de ma chemise s’assèche lentement. Le thermomètre branché sur l’extérieur indique 39. La marchande de melons de l’autre côté de la fenêtre soulève ses seins énormes pour y essuyer la sueur accumulée. À l’ombre d’un parasol commanditée par Digicel, sa voisine roupille bien appuyée sur une montagne d’oranges venues de la République Dominicaine, ces mêmes oranges qui font presque tous nos réveils. Définitivement, on vit sur la même île, mais pas dans le même monde.

mercredi 29 juin 2011

Le troisième gouffre


Je relisais mon dernier billet (plus rien à faire pendant que le poulet boucane) pour en arriver à la conclusion qu’il y a un troisième gouffre. Celui que les américains ont laissé derrière eux. Les révélations de wikileaks des dernières semaines nous laissent comprendre que les ‘amaricains’ peuvent jouer serrer quand leurs intérêts sont en jeu. En Haïti comme en Irak, à un degré adapté bien évidemment. Donc on a eu nos amis américains qui ont réussi à imposer le candidat Martelly aux deux étapes de la course. Ils sont plusieurs à PAP à penser que malgré la très forte popularité du chanteur, les personnes en mesure de voter ne l’ont pas majoritairement appuyé, que son passage à la présidence a été le résultat d’une pression américaine (rappelons nous ‘svp’ le retrait des visas …). Le peuple l’aime, c’est bien ainsi. Le débat d’hier soir tenu entre amis et autour d’une pizza (pas tout à fait mangeable pour votre information) visait entre autres à comprendre comment les américains qui l’avaient poussé jusque là, pouvaient-ils le laisser tomber aujourd'hui devant les parlementaires de l'Inite ? Comment ils avaient été en mesure de faire reculer l’Inite deux fois dans les derniers mois et que pour le dossier du premier ministre, ils n’avaient plus de menaces à sortir de leur chapeau ? C’est le troisième gouffre. On répète les trois gouffres d’un point de vue strictement pédagogique : Inexpérience de notre président, hérédité magouilleuse des parlementaires et inconsistance des américains. L'espoir sombre dans le gouffre...

Les gouffres


L’espoir est une bête fragile. Comme un ballon, l’espoir éclate avec fracas ou se dégonfle lentement en fonction de la forme qui l’assaille. Je me souviens d’un échange avec une haïtienne qui avait été complètement déboussolée au moment où Préval avait créé le parti politique Espwa (Espoir) : « Préval vient de me voler le seul mot qui me restait pour penser positivement mon pays, je ne pourrai plus jamais utiliser le terme ‘espoir’ sans que ça réfère à lui et à son parti. » Depuis, Préval est passé de l’Espwa à l’Inite (l’Unité) et il n’est plus président, même si l’Inite contrôle une bonne partie de ce qui se passe (et pourra se passer surtout !) dans cet État. L’espoir avait été en mesure de se gonfler de nouveau au cours des dernières semaines avec l’installation de Martelly. Même les résistances de ceux qui en avait une peur bleue commençaient à fondre avec son installation du printemps. Des discours et des attitudes différents qui avaient permis de rafraichir quelque peu l’atmosphère L’été ne fait que commencer et déjà, ses chaleurs étouffantes font fondre l’espoir renaissant. Le rejet de son candidat propulse à l’avant plan deux gouffres politiques qui risquent de coincer le fonctionnement un gouvernement déjà passable inefficace, mais surtout l’implantation des réformes attendues avec une certaine impatience (par exemple la ‘sortie’ des camps avant les ouragans de la fin de l’été et la rentrée scolaire de septembre). Le premier de ces gouffres concerne l’inexpérience de notre président. Ils sont plusieurs actuellement à critiquer son manque de préparation, sa précipitation, sa naïveté, … . Ils sont plusieurs à vouloir qu’il joue mieux le joute politique. J’avoue bien humblement que je lui promet pas de grands succès, pas tant parce qu’il serait un malhabile fini, mais davantage parce que les règles explicites comme implicites qui régulent cette joute sont indéfinies et indéfinissables. Difficile de jouer si les règles sont incompréhensibles. La gestion de ces règles m’amène au deuxième gouffre : Les députés et les sénateurs. Ceux là même qui définissent les règles en fonction de l’intérêt du moment. Ces parlementaires devenus spécialistes de la joute politique et qui forcent actuellement la stagnation presque totale d’un État qui se retrouve aujourd’hui sans réel premier ministre et sans réelle constitution. Deux gouffres dans lesquels s’écoulent l’espoir.

lundi 27 juin 2011

Gai mariage


J’ai un ami qui disait « tout est dans tout » quand il voulait illustrer le fait que tout était lié, que les prémisses du début régulent plus ou moins élastiquement tout ce qui suit. La question du mariage homosexuel apparait aujourd’hui dans l’écran radar des médias haïtiens en réaction à ce qui se déroule actuellement à New York. La diaspora haïtienne qui réside dans cet État refuserait d’accepter les nouvelles dispositions législatives concernant le mariage homosexuel. Soyons précis, on parle bien évidemment des représentants des communauté religieuses qui vivent aux USA et qui ne souhaiteront pas célébrer de mariages homosexuels dans leur église. Jusque là, tout va bien. Le point croustillant de la dépêche est cette sortie d’un de ces représentants newyorkais de la communauté haïtienne qui affirme que « l’homosexualité ne fait pas partie de la culture haïtienne. » L’intérêt avec la notion de ‘culture’ c’est que ça peut signifier tout, rien ou n’import quoi. On a visionné il y a quelques mois un documentaire sur la réalité homosexuelle en Ayiti et on peut voir un peu partout les manifestations hypertrophiées des travestis dans plusieurs occasions (le kanaval par exemple). Je ne suis pas en train de raconter que les haïtiens acceptent l’homosexualité, mais simplement de dire qu’elle existe. En fait, affirmer que l’homosexualité ne fait pas partie de la culture haïtienne, c’est un peu comme croire que Patrick Watson n’est pas un chanteur québécois parc qu’il chante en anglais. C’est vrai qu’en fonction de la prémisse du début, on peut dire n’importe quoi !

dimanche 26 juin 2011

Tirer la chasse d'eau


- Asefi, ton frère Cetout commence à être découragé du blocage politique actuel. Le pays est sans gouvernement depuis près d’un mois et il ne voit pas de solution politique possible. Cetout pense que Martelly devrait porter un grand coup pour briser la dynamique actuelle.
- De quoi parle-t-il ?
- Je ne suis pas trop certain que sa prémisse est valide, mais il semble que le président a la possibilité de dissoudre les deux chambres et de relancer des élections législatives. Il pense que si Martelly lance et s’implique dans ces législatives, il aura les chambres qu’ils souhaitent pour pouvoir implanter ses politiques.
- Il est fou ! En plus qu’il s’est battu contre Martelly tout au long de la campagne et là il veut lui permettre de mettre la main sur tous les pouvoirs ?!
- Ce n’est pas le seul à avoir changé d’idée sur Martelly, même toi ! En fait, les gens en ont davantage ‘contre’ la classe politicienne actuelle que ‘pour’ le nouveau président. À ce sujet, je suis même un peu surpris que la population ne soit pas descendue dans les rues pour contester le vote de cette semaine contre Rouzier. C’est quand même l’homme de Martelly.
- Tet Kale (Martelly) a cette carte dans sa poche, ne t’inquiète pas. Sa sortie publique cette semaine pour remercier les gens de ne pas avoir manifesté contre les parlementaires était en même temps un message que la sortie de crise passerait peut-être par un vaste mouvement populaire. Il se refuse peut-être à utiliser cette stratégie à cette étape, mais tout le monde est assis sur le bout de sa chaise, paré à mettre ses godasses pour aller marcher.
- L’autre chose qui me surprend actuellement est le silence des américains. Ils se sont positionnés clairement pour les résultats du premier et du deuxième tour (rappelle-toi l’épisode du retrait des visas américains aux officiels de l’Inite) alors que cette semaine, ils sont restés muets.
- Une petite gêne peut-être, surtout que des rumeurs fortes mentionnent que Rouzier était leur candidat. Il y aurait même eu quelques falsifications de documents pour effacer ses éventuels liens avec la citoyenneté américaine.
- Sur ce point Martelly et son équipe auraient dû être plus prudents. Tu sais que tu as les deux chambres en guerre contre toi, tu leurs présentes un dossier impeccable, il ne fallait qu’aucun fil ne puisse être tiré.
- Bof, nos sénateurs et députés auraient capables d’inventer n’importe quoi pour rejeter la candidature de Rouzier.
- Quelle sera la suite ?
- Si j’étais présidente, je leur proposerais Bellerive. Techniquement, ils seraient un peu plus coincés pour rejeter sa candidature dans la mesure où il a été premier ministre. Au plan politique, il demeure associé au clan Préval, le clan qui contrôle la majorité des deux chambres. Une fois en poste, je mettrais les garde-fous nécessaires et lui imposerais mes ministres. On aurait un président plus actif et un premier ministre plus proche d’un statut de marionnette.
- Peu importe la stratégie employée, le défi le plus important me semble davantage lié à la capacité contrôler les députés et les sénateurs de l’Inité. Si je comprends bien les analyses et propos glanés un peu partout depuis des semaines, ces gens font la pluie et le beau temps et n’ont aucun intérêt à voir un gouvernement qui moderniserait un tant soi peu le fonctionnement de l’État. Ils ne veulent d’aucune manière perdre les magouilles et autres avantages qu’ils sont en mesure de tirer du fonctionnement actuel du gouvernement
- Ouais … mon frère avait possiblement raison. Peut-être est-il préférable de tirer la chasse d’eau avec ces parlementaires et relancer des législatives ?

samedi 25 juin 2011

Panier d'osier et autres petites brèves


Il y a eu un goudougoudou (bagay la ou tremblement de terre) hier matin. Je n’ai rien ressenti, j’étais en voiture. Assez d’énervement dans les chaumières toutefois pour que dans la panique des gens se blessent, une dizaine de personnes en tout. Rien de trop grave en fait mais une psychologie collective assez affectée pour en faire le sujet de conversation de la journée.

Les policiers y seraient allés un peu trop fort… Le prévenu qui était interrogé par les policiers dans le cadre du meurtre d’un président de banque, est mort à l’hôpital suite à ce qui aurait été un interrogatoire un peu trop serré. Le gars, témoin principal dans l’affaire, aurait été en mesure de tisser les fils politiques qui seraient derrière cet assassinat. Encore une fois, on ne connaitra pas la vérité. C’est normal dans un pays de rumeurs.

Le dossier du ‘livre bleu’ continue d’avancer péniblement dans le marasme des fonctions publiques canadienne et haïtienne. Ce qui me pousse à bout dans cette histoire est qu’à chaque fois qu’on a le sentiment que la prochaine étape sera la dernière, il y a un fonctionnaire (blanc ou noir) pour sortir un nouveau lapin de son chapeau. Si tous les fonctionnaires n'avaient que de beaux petit paniers d’osier au lieu de ces chapeaux de magicien, la vie serait plus simple.

vendredi 24 juin 2011

Énigme


Hier, c’était Fèt Dye (Fête Dieu). Journée de congé pour presque tout le monde, sauf les blanchisseuses. Les rues de PAP étaient congestionnées de ces ‘défilés’ religieux. Des chants et des prières doucement entonnés dans une absorption qui fait belle à voir. À sentir et à entendre. Les timoun (catholiques il faut le préciser) se mettent sur leur 36 tout blanc pour souligner la fête de Dieu. Les moun et les granmoun en font autant. J’essaie de m’imaginer à quoi peut correspondre ce genre de manifestations sociales dans mon Montréal cosmopolite et je ne vois rien. Je ne vois pas grand chose non plus pour le reste de la province pour être honnête. Il y a là l’énigme d’un collectivisme dans l’espace ‘social contraignant’ définit par le religieux, la culture, l’éducatif ou la nation, contre l’individualisme dans l’espace ‘social débraillé’ du politique et du développement économique. Difficile effectivement de tirer d’un trait une conclusion simple. Comme si l’individualisme se drapait dans un conformisme social pour pouvoir agir plus librement. Ou encore, que l’existence devient possible qu’en gardant un équilibre entre ces deux positions opposées.

mercredi 22 juin 2011

Tabarnac


Prendre l’avion de Montréal pour Port-au-Prince est en soi une expérience. Les préposés au comptoir (je pense à Air Canada et Air Transat pour les vols directs) se battent avec des haïtiens ‘montréalais’ qui ont trop de valises ou encore des valises trop lourdes. C’est la danse des valises qui s’ouvrent pour faire passer deux kilos d’une à l’autre afin de respecter le poids maximum (32kg). Tout le monde qui retourne dans son Ayiti chérie revient les poches, les mains et les valises pleines. Ceux qui travaillent à la sécurité se battent conre les deux, trois ou quatre bagages de canine… On rapporte tout ce qu’on peut pour notre famille ‘pauvre’ restée là-bas. J’imagine donc les préposés qui se disent le lundi ou le mercredi matin : « On se prépare mesdames messieurs, ce sera une grosse matinée, il y a un vol pour PAP. » Arrivé à l’aéroport ‘international’ de PAP, le desod (le désordre) reprend. L’arrivée à Port-au-Prince était une aventure avant le tremblement de terre, les nouvelles configurations de l’aéroport post-12-janvier ajoutent à l’exotisme. En créole on parle de desod, en français, on parle de bordel. Un tourniquet à bagages improvisé autour duquel se retrouvent des centaines de passagers à la recherche désespérée de leurs malet (mallettes). Des affamés devant un buffet chinois. Il faut dire que les haïtiens vivent plutôt difficilement l’idée d’attendre leur tour. Faire la queue (comme on dit chez nous) n’est pas très prisée par cette collectivité où l’individualisme est de mise. 90 minutes après notre arrivée, on était encore quelques centaines de personnes à se marcher sur les pieds pour récupérer nos valises. La grogne commençait à monter au sujet du peu (ou de l’absence) d’organisation du service de récupération des bagages. Bien coincé entre deux neg qui attendaient leurs valises, j’ai entendu un vrai ‘tabarnac’. J’oserais dire un beau ‘tabarnac’. Mon voisin de derrière en avait plein le ponpon de voir le bordel s’étaler devant nous depuis plus d’une heure. Son cri du cœur m’a fait sourire… m’a fait du bien.

mardi 21 juin 2011

Le pessimiste

-Labadie !! T’es trop pessimiste.
C’est Asefi qui m’insultait de la sorte il y a quelques semaines. Je lui disais que je ne croyais pas que les deux chambres allaient pousser dans le sens des demandes de Martelly. Que je prévoyais que nous serions encore quelques mois sans gouvernement.
-Je veux juste te rappeler qu’il aura fallu près de six mois et les propositions de trois premiers ministres avant que Michèle Pierre Louis puisse réellement succéder à Alexis. Je ne suis même pas certain que si le pays n’avait pas été frappé par deux ou trois ouragans à la fin du mois d’août 2008, les parlementaires auraient accepté la désignation de Pierre Louis ! Je continue de croire que la victoire de Martelly ne signifie pas que les autres ont perdu … C’est politicien n’ont actuellement aucun intérêt à l’appuyer le président et ils ont le pouvoir de l’affronter. Ils ne perdront pas ce rapport de force. En fait, Martelly devra pouvoir compter sur les américains pour qu’ils déchirent le visa de quelques politiciens . Les deux dernières menaces américaines lui ont permis de sortir gagnant des élections et d’empêcher l’installation de l’Inite en situation de majorité absolue. Là, il faudra encore une fois des pressions externes pour que les parlementaires modifient leur vote.
-T’es pas pessimiste, t’es déprimant.
-Désolé !!!

Le homard des îles

Quelques jours à l’extérieur du pays pour enterrer des cendres. La terre gelée ne se laisse pas creuser facilement, c’est surement une vérité des gens des pays du nord. Fouiller dans la terre impose une certaine chaleur et je viens du nord, je vous le rappelle. Je viens surtout de tirer une première conclusion de mon actualité personnelle. Il en reste d’autres, je le sais itou. Dans le petit appartement que nous avons loué à Montréal (notre ville), j’ai « steamé » trois homards des Îles-de-la-Madeleine. … Il y a de ces choses du Québec qui nous manquent dans notre nouveau pays !! On retourne dans les caraïbes dans quelques heures, question de se préparer à la saison des ouragans.

jeudi 16 juin 2011

Le naïf

Les naïfs sont à la vie politique ce que les fleurs sont au jardinage. Elles en forment la beauté principale même si on sait quelles seront éphémères. C’est un peu le drame de notre nouveau président je sais que j’exagère un brin avec le mot drame, à cette étape de sa carrière, il faut parler de menace. Mais la force de la naïveté rend la menace de plus en plus probable. Son projet de rendre l’école gratuite a tous les intérêts d’une promesse politicienne admirable. Difficile d’être contre son esprit. L’enjeu concerne davantage sa mise en application. Le président s’est dépêché à se montrer actif dans ce dossier en créant un fond national pour l’éducation et en proposant une stratégie pour le remplir. Les vrais politiciens (à l’inverse des naïfs) questionnent aujourd’hui la ‘constitutionalité’ de ce nouveau fond. Qui en assurera la gestion ? Quel rôle joueront les parlementaires dans la gestion de ces kob ? Auprès de qui les gestionnaires seront imputables ? Des questions restées toujours sans réponse, comme si ces dimensions de l’utilisation des fonds publics n’étaient pas pertinentes. Ce serait un exemple de la précipitation de notre nouveau président. D’autres qui sont de cet avis sont les professeurs de l’état en arriérage salarial depuis (tenez vous bine …) 5 ans. Cinq ans, senk an, five years, cinco años. Ils ont invité Martelly à régulariser leur situation avant d’ouvrir la porte à un élargissement des services éducatifs. Je sais bien que leur revendication n’est pas tout à fait juste, les gens ont dans les mains des lettres de nomination signées par un ministre que le gouvernement n’a probablement jamais reconnues, mais ce groupe comme des dizaines d’autres trouveront à mettre leurs revendications sur la table pour forcer le naïf à redéfinir son projet. À moins que de naïf, il passe à dictateur…

mardi 14 juin 2011

Insécurité


La sécurité a été un des thèmes principaux de la campagne de notre nouveau président. Refaire fleurir la belle époque de la sécurité dans le pays. Cette insécurité qui du temps de Duvalier n’existait pas (!?! parlez-en à ceux qui osaient questionner les intérêts du Régime…). C’est comme ça que les nostalgiques de Duvalier sont enthousiastes de la poignée de fer que Martelly brandit. Il ramène tout les timoun à l’école et tous les vagabon en prison (il n’y pas de faute à vagabon, c’est en créole). Fini le desod… Dans ce dossier, intimement lié à plusieurs autres défis qu’il doit relever, Martelly joue gros. La semaine dernière, je me questionnais tout haut sur la pertinence des six 4X4 blindés achetés par l’équipe du nouveau président pour assurer sa sécurité et celle de ses proches. Asefi trouvait quant à elle que l’idée brillante : « S’il fait le ménage qu’il s’est engagé à faire, sa propre sécurité deviendra un enjeu. » Disons simplement qu’une personne identifiée comme futur ministre dans mon environnement professionnel a passé un quart d’heure assez mauvais pour conclure que la sécurité effective de ceux sur lesquels le président veut appuyer ses réformes sont effectivement en danger… Depuis hier, tout Ayiti s’émeut du meurtre d’un président de conseil d’administration d’une banque importante du pays. Tout le monde ligoté dans la maison et une balle dans la tête, tout ça pour voler des bijoux. Ce matin dans une entrevue à la radio, un proche de Martelly a avancé l’idée que ce n’était pas du simple banditisme, que des commanditaires ‘politiques’ étaient derrière ce vol de bijoux (un militant du parti Lavalas aurait été interpellé selon HPN). On s’attendait à ce que le bonhomme (proche de l’équipe de la présidence selon les rumeurs, toujours les mêmes) assume une fonction significative dans le prochain gouvernement. Une chose, éliminer l’insécurité passe par l’insécurité.

lundi 13 juin 2011

Discussion de salon de coiffure

Le sujet de ce billet est hautement triste, mais je n'arrive pas à le traiter autrement que sur un ton léger, à la limite du comique. Une histoire d'horreur racontée dans un salon de coiffure. Il y a plus de deux ans, j'ai écrit un billet (le lien) sur les affres d'un blanc qui souhaite se faire couper les cheveux en Haïti, je parle de 'couper' et non de 'raser'. Les ayisien sont effectivement davantage sur le mode tonte, les barbiers n'ayant  pas beaucoup d'expertise avec les ciseaux. La solution est de passer dans un salon de coiffure pour femme, les barbières sont meilleures avec des ciseaux. La dominicaine qui me coupe les cheveux ne parle ni français, ni anglais et ni créole. Je lui montre l'ampleur de la coupe entre mon pouce et mon index, ça devrait bien aller. Ma voisine se fait shampouiner en racontant aux deux autres femmes qui attendent la fin de la coloration qu'elle vient de rénover complètement la maison de Pacot. Tout y a passé, jusqu'à la piscine. En finissant de raconter ses rénovations, elle leur a raconté son enlèvement. "J'ai été chanceuse, ils ne m'ont ni violée ni tuée !" La femme raconte le tout sur le ton léger d'une confidence insignifiante, confidence que tout le salon peut suivre. On aura droit à tous les détails ...  en détail.  Comment ils l'ont attrapée : "C'est de ma faute, je me suis trompée de rue, c'est pas mois qu'ils attendaient". La violence de ses conditions de détention : "J'avais toujours les yeux bandés, je ne pouvais donc pas  prévenir les coups de poing au visage qu'on me donnait !! Je suis sortie de là le visage complètement tuméfié, si j'avais pu voir venir les coups, j'en aurais peut-être évité quelques uns". L'attitude de ses geôliers : "C'est toujours le même qui me battait et qui criait après moi, l'autre, il venait me consoler quand je pleurais". Je ne savais plus quoi faire de mes préjugés sur les discussions de salon de coiffure ?? Il y avait dans le ton de cette dame et dans la réaction de ses amies quelque chose de complètement léger, presque anodin, complètement à l'opposée de l'histoire qui était racontée. Je regardais le miroir devant moi en cherchant la caméra cachée, persuadé qu'on allait m'annoncer que c'était une blague. Je suis sorti du salon et la conteuse n'avait pas encore diminué son débit. Je continue de ne pas savoir quoi penser de cette scène, elle navigue dans des eaux absurdes.

dimanche 12 juin 2011

Képi ou pas


Vous ai-je déjà dit que les haïtiennes sont belles ? Plusieurs fois, vous n'avez pas de mémoire. J'ai écrit sur leur démarche, sur leur féminité, leur posture. Jeunes comme plus âgées, fines comme dodues, elles opèrent ce charme, cette chose indicible qui se faufile entre la beauté et la sensualité. C'est le regard noir qui illumine. Képi ou pas.

Penche à gauche, penche à droite


J'aime les journaux qui penchent. Je parle de ceux qui ont un penchant idéologique clair. Ceux qui penchent à bâbord ou ceux qui penchent à tribord. Ces journaux ont l'avantage de permettre aux lecteurs de clairement positionner : Je sais qui écrit et pour quelles raisons il écrit. L'objectivité, c'est comme Dieu, elle peut servir d'écran de fumée. Quand des journalistes s'en drapent, comme les scientifiques, je m'inquiète. Je préfère la subjectivité consciente, ça nous sort de la vérité. Dans leur positionnement idéologique, ces journaux ont également l'avantage de bien situer celui qui veut diffuser une nouvelle. À ce propos, wikileaks vient de sortir une série de câbles diplomatiques sur Haïti. Trois histoires juteuses s'en dégagent actuellement : Le rôle des États-Unis dans l'établissement entre Haïti avec le Venezuela (PetroCaribe), le rôle joué toujours par les États-Unis dans le dossier du salaire minimum et finalement, le rôle de la communauté internationale (les ambassadeurs de plusieurs pays) dans le déroulement des dernières élections. Sur ce dernier point malheureusement, on ne goutera pas au dessert, les câbles arrêtent en 2010. On ne pourra donc pas complètement confirmer une hypothèse forte ici à l'effet que Martelly n'ait pas obtenu davantage d'appuis que sa rivale. Soyez patients, vous pourrez sûrement valider (ou invalider) ces infos un jour. On verra sûrement sortir d'autres histoires tout aussi croustillantes d'ici quelques jours. Je pense à ce faux-silencieux Aristide, on devrait en apprendre davantage sur son voyage forcé de 2004. Wikileaks a choisi pour diffuser ces câbles diplomatiques un hebdomadaire haïtien produit aux États-Unis intitulé Haïti Liberté. Ce dernier s'est associé à The Nation pour rejoindre les anglophones, revue américaine qui voisine les 150 ans d'existence. Ces deux publications penchent nettement à bâbord (Tje nation a été créé entre autres pour lutter contre l'esclavagisme). Dans Haïti Liberté, on va jusqu'à qualifier le gouvernement Martelly "d'extrême droite" (!!!!). Disons premièrement qu'à cette étape de la vie de la nouvelle présidence, il est sûrement prématuré de le qualifier d'extrême droite. Deuxièmement, ça me semble nettement manqué de perspective de parler d'extrême droite dans le contexte actuel, allez discuter de la question avec les allemands ou les autrichiens ... C'est probablement un manque de vocabulaire, à moins que ce soit un tic? Il y a donc dans ce choix stratégique de wikileaks un intérêt évident qui sert très bien une certaine lecture de la réalité. Quant aux médias, ils n'en tirent eux aussi que des avantages. Reste à savoir si on aura accès aux câbles, question de nous aussi faire tanguer le bateau.

samedi 11 juin 2011

Le ménage


Dans les petites brèves d'hier, j'en ai oublié deux ... sur cinq. Pas fort vous me direz ! On est d'accord.

Donc, le président a sorti une nouvelle un peu rafraîchissante cette semaine pour illustrer le dégât de ses prédécesseurs. 287 personnes ont un poste de 'Ménagère' au Palais national. 287 ! Ça fait partie du clientélisme politique très à la mode dans un pays où la corruption est inscrite dans toutes sphères de la vie ( toutes ou presque ...). Dans un des hôpitaux où je travaille, le ministère a jusqu'ici nommé neuf ménagères pour le bureau du directeur médical. C'est propre, vous ne pouvez même pas imaginer. En fait, la fonction publique sert de programme de sécurité du revenus en Haiti, les politiciens font placer leurs cousins (gardiens de sécurité), cousines, fils ou filles d'ami, ... Un peu de pression d'un sénateur ou d'un député et hop, un ministre qui ne veut pas être convoqué par les deux chambres installe qui il faut là où il faut. Ne vous inquiétez pas, ces personnes ne se rendent pas au travail. Sauf le premier du mois pour aller chercher leur chèque.

Dans les travaux qui se déroulent actuellement au Palais national, les employés ont trouvé des enveloppes de cash qui cumuleraient 29 millions de gourdes (diviser par 40 pour connaître ce montant en américain). Il manquait sûrement de ménagères pour trouver ces enveloppes avant le tremblement de terre.

vendredi 10 juin 2011

La tête dans les nuages


D'autres petites brèves.

Je suivais ce camion cet après-midi en revenant de Miragoane. Ils sont quelques milliers de véhicules de cette qualité qui poussent leur fumée noire dans les poumons roses des ayisien. Une dimension supplémentaire du drame écologique qui se vit quotidiennement dans ce pays. Les fortes pluies de cette semaine participent aussi à la mauvaise qualité de l'air. Le centre-ville s'est retrouvé sous quelques centimètres de boue (une boue venue des hauteurs de Pétion-Ville et accompagnée de déchets) qui aujourd'hui est complètement asséchée, donc poussiéreuse. Les beaux habits blancs du dimanche sont attendus.

Résidence surveillée, ça veut dire tout le pays quand tu as le sentiment (ou la certitude) que tout t'appartient ! C'est probablement ce que se dit Duvalier qui malgré les ordres de la court (il doit rester dans sa résidence), se promène allègrement un peu partout dans le pays. Tout ça bien évidement sous la protection de la Police nationale. Belle preuve de l'indépendance de la justice et de la police ...

Finalement, ai vu récemment un jeune adolescent lancé toutes ses habilités charmeuses sur une jeune fille. À la sortie de l'école, sur le trottoir. La scène aurait dû être filmée. Tout y était, les parades des deux tourtereaux et le sourire timide et craquant de la jeune charmée. Ils étaient dans les nuages. Un mélange d'affirmation et de timidité. Il était beau, autant qu'elle. Ces scènes font le quotidien des rues de PAP. Il me faudrait une caméra à la place des yeux.

mercredi 8 juin 2011

Chavez ou Obama

L’installation du nouveau président offre beaucoup d’opportunités aux différents analystes. Entre autres analyses, il y a les comparaisons avec les habilités de l’ancien président au plan stratégique des relations internationales. L’image ici est que Préval a toujours réussi à habilement et profitablement naviguer au cœur du conflit politico-stratégico-économique que se livrent le Venezuela et les États-Unis dans la région. Préval est effectivement parvenu tirer avantage du pétrole et des pétrodollars vénézuéliens (qui financent entre autre les médecins de la coopération cubaine et la formation de médecins haïtiens à Cuba) sans trop indisposer le partenaire américain. Le gros partenaire américain. Entre ses premières visites officielles aux États-Unis et ses soins de santé cherchés à Cuba (l’ex-président a été traité pour un cancer de la prostate), il semblait en mesure de danser sans faire trop écraser les orteils de ses deux partenaires. Cet équilibre stratégique se serait toutefois légèrement effondré dans les derniers mois quand les positions prises par le gouvernement américain dans le processus électoral ont clairement (vulgairement diront certains) exclus du pouvoir les proches de Préval : son candidat à la présidence, une quinzaine de députés/sénateurs et des officiels du CEP. À deux reprises, il faut s’en rappeler, les américains ont formellement menacé de retirer les visas américains aux officiels de l’Unité si les résultats de l’OEA n’étaient pas respectés. Plusieurs ici croient que Martelly n’a pas effectivement gagné ses élections (malgré sa forte popularité), mais que les américains ont joué les cartes nécessaires. Les paroles d’un haut fonctionnaire américain qui invitait les ayisien à comprendre que Martelly était leur dernière chance résonnent toujours dans la tête de plusieurs. D’un autre côté, Chavez peu aisément place une bonne crise sociale dans les pieds de Martelly au plan de l’énergie (des ‘retards’ dans la livraison du pétrole vénézuélien ont déjà été utilisés comme stratégie) ou des services de santé offerts par les cubains (entre autre dans les zones reculés). La question est maintenant de savoir comment Martelly va jouer ses cartes. Reconnaître l’apport des américains dans sa victoire (et dans le pays) sans indisposer le Venezuela. C’est son premier défi sur la scène internationale.

mardi 7 juin 2011

Take a kayak !!


Hier soir au moment où on se faufilait sous les draps, la pluie commençait à tomber. Le tonnerre s’est mis de la partie et on sentait que ce serait important. Le bruit de la pluie sur la toiture a eu son effet apaisant habituel, il nous a accompagné plus prestement dans le sommeil. Ce confort luxueux ne ressemble toutefois en rien à ce que des centaines de milliers de personnes vivent à chaque fois que la pluie décide passer nous visiter, à tous les jours ou presque depuis quelques semaines, saison oblige. La première particularité de la pluie d’hier est qu’elle s’ajoute à une période assez intense de précipitations liée à une basse pression stationnée dans la mer des Caraïbes. Le service national de météorologie nous a effectivement installés en alerte orange depuis une semaine. La deuxième est qu’elle pouvait faire peur aux personnes qui vivent dans les zones à risque. 78 mm de pluie sur l’aéroport. Et malheureusement, ils sont nombreux. Par zone à risque on pense en premier lieu aux camps, plusieurs sont complètement inondés actuellement. Le deuxième groupe à risque sont ceux qui vivent autour des ravines, nos voisins de Bourdon ont plus que les pieds dans l’eau, disons simplement la boue leur monte aux genoux. Ceux qui résident dans les zones naturellement inondables. Certaines zones de Tabarre (dont l’ambassade américaine et le parc de la Canne à sucre) sont sous le niveau de la mer forment le troisième groupe. Finalement, il a ces zones bidonvillisées comme Martissan et Cité Soleil où les gens grugé la mer pour installer des maison sur des sols qui sont en fait des épaisseurs de déchets venus de la ville et compactés par les années. Ils vivent donc sur des amoncellements compacts de déchets très friables en cas de glissement de terrain ou de tremblement de terre. On compte donc plus d’une dizaine de morts dans les dernières heures, des édifices écrasés, des secteurs inaccessibles en voiture, un centre de traitement du choléra amené par le courant … Des familles sur le toit de leur maison dans Cité-Soleil, on attend que Céline viennent nous suggérer de prendre un kayak… Il y a aussi cette section restée debout de l'Hotel Montana qui risque de glisser sur la rue Bourdon un peu plus bas. Cette photo a été prise dans les jours qui ont suivi le tremblement de terre. D'en bas, on voyait les fondations de la maison. Depuis, on avait réparé, solidifier la structure et les bases de la maison, mais il semble que les pluies des derniers jours auront le dessus sur la ténacité des propriétaires.

lundi 6 juin 2011

Les sparages


Le retour à PAP s’est fait dans juste un peu plus d’eau. On a croisé un cortège de presque vingt voitures, le président voulait voir de ses yeux l’humidité de la principale douane du pays (je parle dans ses liens avec la République Dominicaine). J’avais préparé mes sandales que j’ai mises deux minutes avant d’entrer dans la zone. J’ai failli me retrouver sur le derrière en entrant dans les locaux Dominicains, l’eau sur la céramique a toujours ce genre d’effet. Le président, donc, a fait un saut de puce à Malpasse avant de repartir vers Kenscoff (on a recroisé son cortège dans ce coin là une ou deux heures après), toujours le même genre de déplacement, rapide, imposant et bruyant. Préval avait la réputation de se sauver de ses gardes du corps et de faire des balades seuls en voiture. Martelly ne passe pas inaperçu. Politiquement, on dit de lui qu’il est trop pressé, peut-être impatient même. Mais sur la route, ce trait de caractère se manifeste. Une séries de voitures remplies de gardes armés (qui laissent pointer les fusils vers l’extérieur), les bonhommes aux oreillettes et aux lunettes fumées, des dizaines de voitures qui roulent à fond, les sirènes qui forcent à se boucher les oreilles. Tout le monde se tasse, le président se déplace. Il faut souhaiter que tout ces sparages se matérialisent en des résultats concrets pour la population. Pour le moment, il est encore politiquement coincé dans le piège constitutionnel qui lui attache les deux bras, toujours incapable de faire nommer son premier ministre. Pas de gouvernement veut dire pas de changement, sparages ou non !

samedi 4 juin 2011

La frontière avec les 4 roues motrices


Jo faisait des photos de l’invraisemblable pendant que je conduisais. Le lac Azueï qui borde la frontière entre Ayiti et la République Dominicaine dans le village de Malpasse a de ces débordements !!! Il pleut intensément depuis quelques jours, un système météorologique a profité du premier juin (début de la période des cyclones) pour s’installer confortablement dans la région et pleuvoir des tonnes d’eau sur l’île. La zone de la frontière n’avait déjà pas besoin de ces pluies pour ressembler à la fin du monde. La route est coincée entre le lac et des carrières de pierre blanche, des images qui pourraient inspirer un cinéaste catastrophiste. Les pluies des derniers jours ont donc fait en sorte que la route se retrouve en bonne partie sous l’eau. les camions, bus et 4X4 arrivent à passer. Pour les tap-tap et les voitures, il faudra attendre une accalmie. On arrive ainsi dans un no man’s land où le bon touriste, les deux pieds dans l’eau jusqu’au mollet, continue quand même de se faire siphonner par les ‘brookers’ dominicains et haïtiens qui corrompent un peu plus l’espace déjà malsain des services frontaliers officiels. Mon créole ‘pa pi mal’ et ma connaissance des haïtiens me permettent de bien m’en tirer du premier côté du passage. De l’autre toutefois, rien à faire. Je n’avais jamais eu besoin des champignons qui croissent dans les murs du building en partie innondé pour reconnaître les miasmes de la corruption, les deux pieds dans l’eau, tout ce tableau est encore davantage insalubre.

jeudi 2 juin 2011

Ça sent le ciel


Nouvelle tentative pour agrémenter votre lecture. Des petites brèves, c'est comme des petites histoires courtes. J'ai cherché d'autres pléonasmes, mais l'énergie est en baisse.

Les soldats, qui sont heureux de l'installation du nouveau président (il a pris des engagements de lancer une nouvelle force), commence à redemander leur place. Un local où ils s'entrainaient à l'époque avait servi à plein d'autres choses au cours des dernières années. À l'automne, ce local abritait un CTC, un Centre de traitement du choléra. Avec le retour de l'épidémie, le local fait maintenant l'objet de convoitise entre des soldats et des agents de santé. les soldats ont pris les médias pour faire connaître leur indignation et on attend de savoir qui gagnera.

Les mangues... Je ne vous raconte pas. On est dans la pleine période actuellement et les variétés n'arrêtent pas de surprendre. Il y en aurait près de 1000 selon la rumeur... Chaque coin du pays a sa spécialité et, j'avoue, que le bonheur ne s'éteint jamais. "Ça goûte le ciel" dira une maman en visite la semaine dernière. Je suis tombé par hasard sur les bozo (ou boz ou bozou) sur la route du Canapé-Vert hier aprè-midi. Toutes petites, elles tirent sur le rouge. J'ai demandé la nationalité haïtienne !

La pluie

En 30 mois de réveil haïtien, c'est la première fois que le bruit de la génératrice se confond avec celui de la pluie. Toute la soirée, toute la nuit et ce matin, Dieu pleure sa peine. Sans arrêt. Juste pour donner un petit coup de pouce au choléra et pour embouetter (du verbe emmerder avec de la bouette) davantage les on ne sait plus combien de centaines de milliers de campeurs. À moins qu'il ne soit que quelques dizaines.

mercredi 1 juin 2011

"T'as encore rien vu !!"

Est-ce que vous voulez rire ? Je sais bien que c'est triste, mais il faut maintenir cette faculté d'identifier ce qui fait sourire dans le drame. Je pratique cette vertu, c'est probablement un bon mécanisme de défense contre la dépression. Un peu comme la négation. On attendait donc aujourd'hui la séance parlementaire pour la ratification du premier ministre désigné, M Rouzier. Rien à faire, les élus (sénateurs et députes) ne savent plus sous quelle constitution ils exercent leur mandat. J'ai écrit un billet (le voici) sur cette question des modifications constitutionnelles votées à la sauvette par les députés et les sénateurs la semaine avant l'installation du nouveau président. Le texte voté n'est pas celui publié dans Le Moniteur (le journal officiel) et on reste donc dans un flou constitutionnel qui n'a pas trouvé encore sa solution. La vie politique du pays est donc paralysée par cette erreur matérielle pour certains, ou par cette peau de banane politicienne pour d'autres. Le néant constitutionnel comme nouvelle stratégie d'immobilisme. "T'as encore rien vu" me disait Asefi !!!

Ça ne change rien


Est-ce qu’une catastrophe est moins une catastrophe si le nombre de morts est revu à la baisse ? Ça dépend de la baisse vous allez me dire. Là, RFI vient de lancer une petite bombe dans la zone média. Samedi, ils ont publié des conclusions d’un rapport de USAID qui reverrait à la baisse le nombre de morts, on ne parle pas d’une baisse, mais d’une chute. USAID, après une enquête terrain, fait passer le nombre de morts de près de 250 000 (chiffre officiel fourni par l’ONU) à moins de 100 000. En fait, entre 46 000 et 85 0000 (merci pour la marge d’erreur !!!). J’ai l’air du rigolo qui sort le rhum après que tout le monde soit parti, mais j’ai toujours eu des doutes sur les chiffres publiés par l’ONU. Vous pouvez consulter quelques uns de mes proches, ils vous le confirmeront... Premièrement parce que nous avions fait un recensement des employés décédés du Ministère de la santé quelques mois après le séisme et nous en avion identifié une soixantaine. Soixante sur près de 6 000 employés. Je n’arrive toujours pas à imaginer aujourd’hui comment seulement 1% des employés du Ministère soient décédés le 12 janvier 2010, alors que le 250 000 de l’ONU (ou le 300 000 du gouvernement haïtien) nous amènent à un pourcentage de 8 à 10% selon le dénominateur utilisé. Est-ce que le profil des employés du Ministère est si différent de celui du reste de la population qu’il peut expliquer ce genre d’écart ? Je serais surpris. Est-ce que notre recensement est méthodologiquement si mauvais qu’il peut à lui seul expliquer cet écart ? Tout aussi surpris. En fait, je reste dans le doute depuis plus d’un an sur ces chiffres. J’avais discuté avec les gens des Nations Unies pour comprendre comment on faisait la comptabilité de l’affaire et je n’avais pas été convaincu de leur réponse : Ils sont comptabilisé une à un. J’ai vu des chargeuses transporter des cadavres et désolé, je n’imagine pas facilement que la cargaison ait pu faire l’objet d’une comptabilité. Il ya eu toutes les histoires d’horreur que vous pouvez imaginez dans le bordel ambiant qu’a été PAP pendant les 3 ou 4 premiers jours pour me convaincre qu’on n’a pas comptabiliser grand-chose…. Mais revenons à ma question de départ, est-ce que ça change l’ampleur de catastrophe ? Dans mon esprit, aucunement. Je comprends que du point de vue du ‘marketing mathématique’ de bagay la, USAID dégonflerait un ballon si elle prenait officiellement cette position. Mais sur le fond, la réalité à laquelle j’ai participé et à laquelle je continue de participer est tout aussi intense, 250 000, 300 000 ou 45 000 morts. La sortie de crise est aussi difficile pour le pays, pour des centaines de milliers de personnes coincées dans des camps, pour plusieurs des personnes avec qui je travaille et pour mes nuits quelques fois dérangées par la petite panique du shakage. L’intérêt maintenant de savoir comment USAID va jouer ce rapport. Rapidement, le patron de USAID parle de petit problème méthodologique à régler avant de publier officiellement les chiffres. Les agences des Nations Unies défendent leurs chiffres et des haïtiens réagissent en accusant USAID de vouloir minimiser l’ampleur du désastre. Petit débat de chiffre en perspective.