lundi 19 avril 2010

Le vide


Aujourd'hui, j'ai entendu une longue discussion à la radio - discussion reprise avec des collègues en mangeant une langouste et un lambi grillés - sur la corruption associée au dernier vote du sénat. La semaine dernière, les sénateurs devaient voter la nouvelle loi qui prolonge à 18 mois les mesures d'urgence. Mercredi, on avait pas le quorum et le vote a été déplacé. Finalement, le Président a obtenu tous les droits nécessaires à la reconstruction. Qu'est-ce qui explique le changement de point-de-vue des sénateurs ? 150 000 $. On leur aurait offert 100 000 $ pour leur vote mais en bons négociateurs, ils auraient fait monté les enchères à 250 000 $. Une discussion radiophonique remplie de détails pour expliquer les négociations de coulisse qui auraient duré plus de 24 heures. Des journalistes et commentateurs pour commenter l'affaire. Des auditeurs et des lecteurs pour la reprendre. Je me fous un peu de la véracité de l'histoire, je suis plutôt ébahi par le fait que ce genre de débat puisse avoir lieu sans que personne ne sorte dans les rues pour casser quelques vitres. Bruler des pneus serait plus facile, les vitres n'ayant pas bien passé l'épreuve sismique. Je le sais, vous allez dire que je radote, mais Ayiti me semble confronter à un espace politique complètement asséché. C'est à mon humble avis de 'logue patenté' un des constats les plus importants, une clé pour comprendre l'incompréhensible : Absence d'un espace social de débat et de décision. Il y a plein de postes de radios pour vociférer tout ce que vous voulez entendre, il y a toutes les 'structures' politiques pertinentes à une vie démocratique, mais il n'y a pas cette vie. Il n'y a pas cette culture qui permet à un 'citoyen' de prendre la parole publiquement pour avancer une idée, la défendre. Tout y est mélangé sans pouvoir distinguer la cause de l'effet : Histoire de dictatures, méfiance, individualisme, absence de société civile organisée, démobilisation des électeurs (autour de 2% de participation aux dernières sénatoriales), leader décevant, cynisme ambiant hyper-amplifié, toutes les formes de corruptions, inégalités sociales 'inégalées', État inopérant, … Toutes ces dimensions de la vie politique s'inter-influencent de manière à créer ce vide démocratique. L'agora est vide, complètement vide. Les pauvres ayisien, ceux qui sont pauvres, naviguent dans ce vide.

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