mercredi 22 avril 2009

Bombe écologique


Un québécoise fait la une du Journal Le Matin cette semaine. Boursière d’un programme de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, elle traite des problèmes environnementaux en Haïti. Nancy Roc semble donc avoir gambadé en peu partout dans le pays et considère que « la plus grande menace qui pèse aujourd’hui sur Haïti est environnementale». (http://www.lematinhaiti.com/Article.asp?ID=18161 ). Elle qualifie PAP de bombe écologique. « La capitale haïtienne est une gigantesque toile de bidonvilles juchés sur des pentes montagneuses ou érigés au fond des ravins.» Vue des airs, la ville est grise. La journaliste nous propose une série de donnée sur la situation écologique du pays en mentionnant entre autres l’absence de mesure législative ou de travaux pouvant freiner la situation. Elle rappelle de plus que la construction anarchique dans les montagnes profite à des réseaux qui pataugent allégrement dans la corruption. Lors de mon premier séjour à PAP en juillet dernier, j’avais été sidéré de voir ces construction juchées sur rien qui sont empilées les unes sur les autres. Imaginons une bonne pluie sur PAP (pensons aux ouragans) ou un tremblement de terre (PAP est sur une faille) et, bien installées dans leur maison, des millions de personnes vont se mettre à dévaler des pentes abruptes et aller créer en quelques minutes le plus grand cimetière ‘naturel’ du monde. Aller la lire Nancy Roc, c’est vachement intéressant.

dimanche 19 avril 2009

Journée d'élection

C’est une journée d’élection en Haïti aujourd’hui. Mon blogue compte quelques billets sur la question, on ne parle que d’élection dans les médias depuis notre arrivée. C’est un beau paradoxe, les haïtiens que je côtoie n’en parlent presque jamais.  Un seul échange réel sur la question lors d’un dîner cette semaine. Une table de 8 où 7 personnes s’obstinaient en créole pendant près d’une heure sur la pertinence du processus, sa légitimité, l’intérêt d’aller voter, la neutralité de la Commission électorale provisoire (CEP), …. Moi, je contemplais. Les haïtiens sont tellement beaux et intenses quand ils discutent. Enfin, je sentais pour la première fois qu’outre les journalistes ‘jeff-fillionistes’, les haïtiens pouvaient s’enflammer pour la question. Pour les blancs, défense de sortir. De samedi à midi à lundi 6hoo, on nous proposait très fortement de rester à la maison. La circulation routière a été interdite pour la journée, les bars sont fermés depuis hier soir 9h00, en même temps que la vente d’alcool. Mes quatre voisins russes de la MINUSTAH sont partis en mission hier soir. Près de 10 000 policiers partout dans le pays pour tenter de contrôler la journée des élections. Certains exclus avaient demandé de boycotter les élections et le grabuge est toujours près à se faire une place dans ce genre de situation. Tôt ce matin, il y a eu échanges de coup de feu dans le Plateau Central (à Mirebalais), ce qui a eu pour effet d’annuler la tenue de sélections dans ce département. À PAP, il y a eu quelques coups de feu ce matin, mais rien d’assez grave pour enrayer le processus. Il semble que la police ait réagi de la bonne manière pour reprendre rapidement le contrôle. Depuis quelques semaines, les gens craignaient beaucoup le déroulement de la journée. La PNH et la MINUSTAH avaient préparé tout un set-up pour faire face à la situation. La crainte de troubles importants (il y a déjà eu des fusillades dans des bureaux de vote vers la fin des années 80) et la non confiance de la population à l’égard des politiciens (et de la politique) expliquent une désertion très grande. On parlait à la radio d’un 10% de participation… Il faut dire de plus que l’interdiction de circuler en voiture a empêché les services de transport en commun (les tap-tap) de fonctionner, ce qui a sûrement rendu l’exercice du vote assez ardu pour plusieurs personnes. Autour de nous (collègues, chauffeurs, femme de ménage,…) personne n’allait voter. Si au Québec certaines personnes se plaignent du cynisme ambiant concernant la politique et de ses impacts sur la mobilisation citoyenne, ici je ne vous dis pas. La corruption – et surtout l’idée que les gens peuvent s’en faire –, l’absence de résultats pour la population des politiques établies par le gouvernement ainsi l’occupation de la communauté internationale et la portée limitée de ses actions (sauf pour la sécurité et la classe riche) participent à l’émergence d’une vision de l’avenir … bouchée. Comme si l’espoir n’avait plus rien à s’accrocher sauf l’image un peu poussiéreuse d’une Haïti qui a déjà été un pays, d’une Haïti qui a été la première à se libérer du colonisateur en 1804. Ici, à tous les jours on nous parle de 1804. À la radio, dans les chansons, dans les éditoriaux. Quand la nation retrouvera la fierté de 1804 ? Quand les haïtiens reprendront le flambeau de leur destinée, comme en 1804 ? C’est donc coincé dans ce passéisme et une situation politique, sociale et géographique qui perdure à ne pas offrir beaucoup d’espoir à sa population, qu’on ne trouve pas l’intérêt d’aller voter. La semaine dernière, nous étions à la plage. Notre voisin de palmier était un soldat argentin de la MINUSTAH. Il me parlait de la situation politique de son pays qui, quoique nettement moins périlleuse qu’Haïti, invitait à un mépris total de la classe politique. J’en suis presque venu à avoir un petit béguin pour Stephen Harper et notre beau Canada. 

jeudi 16 avril 2009

Ponctualité élastique

Je suis en province pour trois jours de réunion, de mercredi à vendredi. Le site est enchanteur, un vieil hôtel bien rénové sur le bord d‘une eau de mer plus bleu que les yeux de Gilles Duceppe. Dans la foulée de la vie professionnelle haïtienne, cette réunion de trois jours d’un comité national, a été annoncée … mercredi dernier. Des gens des dix départements et de quelques organismes internationaux (on est une vingtaine autour de la table) ont donc reçu entre mercredi le 8 et mardi le 14, une invitation pour trois jours de réunion qui se tenaient du 15 au 17. Je parle toujours du même mois ! Pour faciliter la vie de tous, jeudi et vendredi dernier personne ne travaillait, les fêtes de la Pâques. Comme si ce n’était pas assez, en Ayiti les invitations doivent vous être remises en main propre. C’est la culture ou le manque de moyen, je ne sais pas trop. Le pays n’a pas de 'Postes Canada' (à part quelques messagers privés) et les chauffeurs des organismes ou des organisations gouvernementales font la distribution des invitations. Le chauffeur du comité national est passé mardi pour me remettre la lettre d’invitation d’une réunion de trois jours qui débutait le lendemain. En Haïti, l’agenda est un objet complètement difforme.  Quelque chose qui doit pouvoir se modeler dans tous les sens, à n’importe quel moment. Ça va avec le rapport à l’heure. La réunion qui devait débuter à 8h00 n’a pas commencé avant 9h10. Autre fait vécu cette semaine, je prends rendez-vous avec la cie Vidéotron locale :

  • -          Un technicien ira chez vous bientôt monsieur.
  • -          Quand bientôt ?
  • -          Dans les prochains jours.
  • -          Demain, après-demain ?
  • -          C’est ça, demain ou après-demain.
  • -          Non non, je n’ai pas été clair (faut quand même être poli !), je veux savoir s’il va venir demain ou après-demain ?
  • -          C’est ce que je vous disais, il passera bientôt, peut-être demain ou peut-être après-demain.
  • -          Je fais comment pour savoir quand il passera ?
  • -          On va vous appelé juste avant …
  • -          Juste avant, c’est combien de temps avant son arrivée à la maison ? Faut s,assurer qu'il y ait une personne à la maison.
  • -         

Vous devinez la suite. Dernier exemple tout aussi récent. Ce dimanche le 19, il y aura des élections sénatoriales dont tout le monde discute depuis novembre au moins (nous sommes arrivés en novembre). Même la PNH et la MINUSTAH s’y préparent. Aujourd’hui, jeudi 16 novembre, nous apprenons du Conseil électoral provisoire que nos locaux de la Faculté de médecine seront réquisitionnés pour les élections de dimanche. Trois jours avant l’élection. Nous devons donc déplacer dès ce matin les activités de formation prévues pour ce jeudi après-midi et celles de demain. Pa gen pwoblèm. Est toujours comme ça. Impossible de prendre rendez-vous avec quelqu’un. « On se voit vendredi, à quelle heure ? Passe à mon bureau dans la matinée, on trouvera le temps de se parler. » Le plus fascinant, c’est qu’on s’habitue. Notre ponctualité est en fait pas mal plus élastique qu’on l’imagine. On prend donc facilement cette attitude de ne pas s’énerver avec l’heure ou la date. Ça fait du bien.

mardi 14 avril 2009

I’pleut !


La saison des pluies s’abat sur Haïti. Le jour, il fait chaud et beau, même un peu trop chaud, et verts 20h00 ou 21h00, le ciel nous crache dessus. Pas rien qu’un peu en passant. De la vraie pluie où il faut que tu montes le son pour continuer à entendre Gianmaria. On entend l’ondée arriver lentement, comme le bruit sourd d’un gros camion, et paf, ça tombe. Pas longtemps, 15 minutes. Mais un vrai 15 minutes. La saison des pluies est comme ça dans ce beau pays. Haïti est un très beau pays, du moins, on en fait de belles photos. Il fait beau toute la journée et juste avant d’aller dormir, le bon Dieu lave la place. Sauf qu’il ne ramasse pas ! Les rues le lendemain matin sont remplies de fatras qui jonchaient les ravines que l’on retrouve partout dans la ville. Des espèces de rivière asséchées partout sur les collines de PAP dans lesquelles les gens lancent leurs déchets. Quand les pluies nous tombent dessus, ces ravines deviennent des rivières qui débordent dans les caniveaux des rues de PAP. Le résultat le lendemain matin : les rues sont pleines de cailloux et de déchets qui ont été transportées par les pluies. Je ne suis jamais allé à San Francisco, mais on peut bien penser à cette ville de la Californie en étant à PAP : Des côtes plus des côtes. Des centaines de millier de maisons sont construites ‘tout croche’ dans ces pentes où il n’y a plus d’arbre, ou presque plus. Ainsi, tout glisse vers la mer quand les pluies sont très fortes. Qui vit sur le bord de la mer ? Vous avez deviné. Les familles de Cité-Soleil ou de Martissan voient donc passer entre leurs orteils toutes les cochonneries jetées plus haut dans les montagnes. Trois millions de personnes, ça n’en produit de la cochonnerie !

samedi 11 avril 2009

Les cerfs-volants de PAP


Depuis quelques semaines, on voit des vendeux de cerfs-volants partout dans les rues de PAP. Dans les zones densément peuplées de la ville, on peut voir des dizaines de ces cerfs-volants artisanaux voler au dessus des maisons. C’est à cause des fêtes de Pâques. Le Vendredi Saint le ciel du pays devrait être inondé de cerfs-volants, mais ici comme ailleurs, les traditions se perdent. La mémoire aussi, personne n’a été en mesure de m’en expliquer la symbolique !!! Peu importe, l’effet visuel est fort intéressant, même si mes talents d’amateurs de photos ne m’ont pas permis de capter toute la beauté de cette image un peu frêle. J’ai compris que juste les gars (entendre garçons surtout) font voler des cerfs-volants. En achetant un cerf-volant pour le fils de Claudette (je vous en ai déjà parlé, c’est la femme qui nous donne un coup de pouce à la maison), j’en ai donc acheté un pour moi. Je n’ai pas osé le faire voler, j’étais surtout admiratif des couleurs et de la dimension ‘artisanale’ de l’œuvre. Le cerf-volant trône donc dans le bureau, à côté des autres bagay (lire bagaille) qui s’accumulent. Les cerfs-volants sont de toutes les couleurs et certains artisans, plus axés sur le marketing, vous en font à l’effigie de l’équipe du Brésil ou de certains joueurs de foot (l’argentin Mesi ou le brésilien Ronaldino).En passant, si vous n’aimez pas la nouvelle couleur de mon blogue, c’est de la faute de mon ado de filleul. Il trouvait que c’était dur pour ces yeux de lire blanc sur noir. Étant donné qu’il lit, j’ai acquiescé à sa demande. Si vous avez des plaintes à faire, n’hésitez pas, je vais lui faire suivre.

mardi 7 avril 2009

Jérémie et Grand Vincent

Je suis à Jérémie ce soir. Dans un hôtel qui n’est sûrement pas le pire du pays, mais qui fait quand même hautement dur. Ce n’est pas grave, j’y suis pour dormir et les trous des murs qui permettent de faire passer la tuyauterie ont été bouchés avec autant d’imagination que d’effort. À la limite quelques petites piqures de bestioles. J’ai oublié mon savon, je me doucherai donc à l’eau froide avec la barre d’Yvory coupée en trois morceaux relativement égaux (chambres 1, 2 et 3 !) qui est sur le bord de la douche. À voir la marque du couteau, je serai le premier à l’utiliser ! Le ITouch devrait empêcher la génératrice de me réveiller. Jérémie est le haut-lieu du département de Grand-Anse, un des trois départements du pays à se chicaner pour la dernière place en matière de richesse. La route qui nous fait passer de l’aéroport à la ville laisse voir une très grande pauvreté. Même le bleu de la mer n’y résout rien.  Ici, rien ou presque sur la campagne électorale en cours. Le politicien le plus puissant du coin a été exclu des sénatoriales à cause de problèmes avec la police, un mandat d’arrêt international lui est attaché à la cheville. Trafic de drogues entre autres. Il a été le chef des révoltes populaires du temps d’Aristide et a donc pris les armes contre le gouvernement de l’époque. Il était dans la course pour la dernière élection présidentielle. Depuis que sa candidature a été rejetée par le Conseil électoral provisoire (CEP), il fait une cabale contre les élections et fait la promotion d’un boycotte généralisé. Certains candidats aux élections de la région de Grand’Anse ont eu mal à partir avec ses partisans et plusieurs d’entre eux ne sont plus capables de prononcer de discours ou n’étaient plus assez beaux pour que les pancartes électorales aient un effet quelconque. Donc une campagne électorale silencieuse et aveugle. Je suis ici pour me rendre à Grand Vincent, une section communale complètement enclavée qui se trouve à deux heures de route … en fonction des périodes de l’année. Lors de fortes pluies, la section communale est inaccessible en camion. À dos d’âne ou à pied, c’est entre 6 et 8 heures de marche. Un des diplômés que j’appuie y construira le premier dispensaire de santé, les 700o résidents de la zone n’ont pas accès (à moins de marcher la journée) aux services de santé et aucune ONG ne s’y est installée. Le curé du village a donné un édifice de l’église que nous rénoverons et équiperons pour y accueillir un médecin et une infirmière.  Je devrais rencontrer le curé et certains dignitaires de la place demain. Stephen Harper sera content de moi !

vendredi 3 avril 2009

Ma job

Quelques amis m’ont écrit dans les derniers mois en me demandant pourquoi je ne parlais pas de mon travail sur mon blogue ! Effectivement, je n’avais pas abordé le sujet et, soyez rassurés, ce n’était pas de manière consciente. Je prends donc les prochaines lignes pour dresser le portrait de mon mandat en Haïti. Le projet sur lequel je travail s’appelle PARC : Projet d’Appui au Renforcement des Capacité de gestion de la santé en Haïti (http://www.usi.umontreal.ca/parc/). L’Université de Montréal (U de M), via son Unité de santé internationale (USI) et en collaboration avec la Faculté de médecine de l’Université d’État d’Haïti, offre depuis près de 8 ans un diplôme en gestion des services de santé. Il y a quelques années, ce programme de formation a fait l’objet d’une évaluation qui a conclu à sa pertinence tout en proposant que l’USI puisse développer une stratégie d’accompagnement  des diplômés une fois qu’ils sortent des bancs de l’Université d’État. J’accompagne donc des gestionnaires du réseau de la santé fraîchement diplômés en gestion à améliorer les processus de gestion au sein de leur organisation. Un pharmacien départemental (régional) qui veut améliorer les processus de gestion des stocks de médicaments pour les hôpitaux et dispensaires de son territoire. Un directeur d’hôpital qui veut revoir la gestion du service de laboratoire. Un directeur départemental qui doit planifier se besoins en matière de main d’œuvre pour les cinq prochaines années. … Mon travail consiste donc dans un premier temps à accompagner ces gestionnaires dans la réalisation de leur projet : bien définir le problème, identifier les outils et les moyens disponibles, les risques, se donner un plan d’action, un budget, … Je peux compter sur des ressources financières relativement importantes qui nous permettent d’équiper le gestionnaire de certains outils nécessaires à l’atteinte de ses objectifs, de fournir l’expertise plus pointue d'haïtiens ou de canadiens, …  La deuxième dimension de mon travail, ce pourquoi mon expérience passée est plus pertinente, consiste à mettre en place un mécanisme de développement et de transfert des connaissances qui sont produites autour de la réalisation des projets. L’intérêt étant de s’assurer que le pays (et les profs de l’USI) puisse tirer des leçons (des connaissances) des expériences de changement de pratiques de gestion que nous appuyons. Mieux comprendre les conditions qui favorisent ou nuisent à l'implantation de ces changements par exemple.  Ce travail m’amène donc à visiter presque tous les coins du pays. Depuis mon arrivée à la fin de novembre, je ne passe pas une semaine (ou presque) sans dormir un soir ou deux à l’extérieur de PAP. En Patrol à l’occasion mais plus souvent avec Tortugair (la Cie d’aviation locale) et toutes les sueurs qu’elle donne ! Je n'avais pas peur de l'avion en arrivant, mais ça se développe !