dimanche 29 mars 2009

Reculer de deux mètres SVP !


Lors de notre arrivée à PAP en novembre dernier, on voyait partout sur les murs de Pétion-Ville « Déplacer 2m MPV ». On nous a expliqué que la mairie de Pétion-Ville (MPV) avait voté un règlement imposant à tous les propriétaires qui avaient agrandi leur propriété en utilisant le trottoir, de reculer leur mur extérieur de deux mètres. Presque toutes les rues n’avaient plus de trottoir, les résidents ayant choisi de l’envahir pour se donner un peu plus d’espace dans le jardin. Il fallait redonner le trottoir au piéton ! Le travail semblait tellement titanesque - des milliers de maisons étant touchées par ce règlement - que nous étions très sceptiques quant à la capacité des propriétaires de réaliser le mandat, ou encore de l’administration publique à faire observer le règlement. Nous avions tort ! Ou presque, la plupart des résidents y sont arrivés sauf quelques récalcitrants qui ont lancé des poursuites contre la ville ou encore des propriétaires trop pauvres pour se payer la grande opération. C’est l’avantage d’avoir une main d’œuvre très disponible et prête à travailler pour un salaire … minimal. Les travaux laissent plusieurs monticules de gravier et de sable dans les rues, les murs étant montés en pierres ou en bloques de ciment. Les rues les moins larges deviennent presqu’impraticables à cause de ces monticules, surtout avec la grosse Patrol.  On voit donc des maisons que nous n’avions jamais vues et les rues, après le nettoyage, prennent un peu de largeur. Le bog, c’est que les piétons n’ont pas encore retrouvé leurs trottoirs, les conducteurs ayant récupéré l’espace créé par les trottoirs pour y garer leurs machines. La voiture est reine dans ce pays.

lundi 23 mars 2009

Journée de première

Depuis une semaine, nous avons de la visite à la maison. Un collègue de Johanne est en vacances à PAP et en profite pour faire des contacts pour Bibliothécaire Sans Frontières. On a profité de son séjour pour aller passer le week-end au Cap-Haïtien et visiter (re dans mon cas) la Citadelle. Encore plus impressionnante que la première fois… Un peu de plage et, surtout, pas mal de bagnole. En fait, le Cap est à 20 minutes en avion et 6 heures en voiture. Il voulait voir du pays et on a donc décidé de faire l’aller dans les airs et le retour sur terre. Je suis ainsi passé pour la première fois dans les Gonaïves. Ville toujours plus sinistrée que les autres en cas d’ouragan. Un ingénieur m’a expliqué que les inondations sont attribuables au fait que presque toute l’eau qui tombe sur le pays coule vers les Gonaïves. Ajouté à cela un déboisement féroce et des canaux d’irrigation mal construits qui ne peuvent assurer que l’eau ne passe pas directement … par les habitations. Cette année en plus, le débit était tellement élevé qu’il a ‘charroyé’ un container des Nations unies qui dans sa descente, a fait voler en éclat un pont presque tout neuf. On a rien retrouvé du pont, même pas dans la mer !  Il faudrait beaucoup de ressources financières pour construire des canaux de contournement, mais vaut mieux guérir que prévenir. Dans un article que mon oncle Bob (je le salue en passant) m’a envoyé récemment, on pouvait constater que le financement de 17 millions de dollars américains reçus cette année pour les Gonaïves était dédié strictement aux mesures d’urgence et non à la reconstruction. Le journaliste de la revue The Economist réfère à des expats présents sur place qui, en faisant leurs valises pour une deuxième fois, ils y étaient en 2004 lors du passage de Jeanne, annonçaient leur retour pour l’année prochaine. Malgré leur passage, la situation reste encore difficile à regarder. Des voitures avec 4 pieds de boue bien compacte à l’intérieur, une route qui n’est plus une route, des maisons sans murs et des murs sans maisons… Deuxième première, un match de foot au stade de PAP. Notre visiteur a la fâcheuse habitude d’être français, il voulait donc voir un match de foot. Une partie de la Ligue des champions de la Concacaf (comme l’Impact il y a quelques semaines) entre les Cavaly de Léogane et le Britania d’Aruba. Aruba est une petite île juste au Nord du Vénézuela, un petit pays d’un peu plus de 100 000 personnes selon Wikipedia (on se renseigne où l’on peut !) qui a obtenu son autonomie des Pays Bas en 1986. Le foot nous apprend tellement de choses. Donc, avec Lionel (je vous avais dit que c’était un français !), on s’est rendu au stade. En achetant les billets, j’ai étalé mon ignorance de ce beau sport. On m’informe qu’il y a des billets à 400 gourdes (10US) et à 150 gourdes (faites le calcul). Je réponds à la dame que les billets à 400 allaient nous permettre d’être assis dans les sièges d’en bas, comme au Centre Bell ! ‘C’est l’inverse au foot, mon homme’ que m’ répond notre invité. Plus tu débourses, plus t’es haut dans les gradins. J’imagine qu’il doit toutefois y avoir une hauteur parfaite… En fait, c’était un attrape-touristes, il n’y a pas vraiment de plus haut ou de plus bas dans le stade ! La seule chose, c’est qu’on avait droit à un siège individuel au lieu d’un banc. Comme au Centre Bell, durant la partie, les vendeux de bouffe et de bière se promènent de rangées en rangées. À la fin de la première demie, un billet de 25 gourdes se retrouve sur la marche juste au bout de la rangée. Pendant plus d’une heure, il n’a pas bougé. Des dizaines de personnes sont passé à côté sans se pencher. Imaginez un billet de 20$ dans les marches du Centre Bell ! Ma voisine a fouillé dans sa sacoche pour vérifier si elle avait perdu 25 gourdes. Mon autre voisin à fait la même chose dans son portefeuille. On m’avait dit que l’insulte suprême pour un haïtien était le fait d’être identifié comme voleur, j’en ai eu la preuve. Dans la foulée des gens qui ont descendu l’escalier à la fin de la partie, le billet de 25 gourdes est disparu.  La partie terminée, on s’est rendu à la sortie pour téléphoner à la cie de taxi fiable de PAP, Taxi Rouge. Pas de réponse… Plusieurs essais toujours sans réponse. Disons que le stress commençait à pousser son bouton jusqu’à ce qu’en essayant de retéléphoner à la cie, je me trompe de contact sur mon portable et rejoins un dentiste avec qui je travaille. Il a toute de suite su que c’était moi qui l’appelais et quand je lui ai expliqué notre situation, il a un peu paniqué. Au match de foot ?! Un taxi ?! Il voulait appeler un de ses amis psychiatres… Les haïtiens sont beaucoup plus craintifs que les blancs, il faudra que je vous explique le tout dans un prochain billet. Donc le dentiste, qui comme par hasard reste à deux minutes du stade, est venu nous rejoindre. Il a hélé un taxi et après quelques minutes de négociations, il a compris qu’il pourrait y faire confiance… s’il embarquait avec nous. Troisième première, un taxi à PAP. Le dentiste, Lionel et moi sommes donc partis dans une vieille Mercedes 1983 (je connais maintenant la fabrication intérieure des bancs du modèle 1983 de Mercedes) qui toussait plus qu’elle n’avançait. Sur la route, on commençait à peine à être soulagé, jusqu’à ce qu’un barrage policier nous force à nous arrêter. Le chauffeur de taxi n’avait pas de papier, ni pour lui, ni pour la voiture. Les policiers demandent au chauffeur de tasser son tacot sur le côté et d’éteindre le moteur. Le chauffeur de taxi sort et commence à négocier avec les policiers qui, après dix minutes, acceptent de nous laisser repartir. Le chauffeur se rassoit sur ce qui reste de siège, se penche sous le volant et en collant deux fils, réanime son vieux moteur. Revenus à la maison, on a repris la Patrol et avons ramené le dentiste chez lui. En passant, le club de Léogane a gagné 5 à 0.

mardi 17 mars 2009

Mademoiselle C


En quittant Montréal, on a fait plusieurs choses qui nous ont crevé le cœur. Par exemple, passer prendre un dernier espresso chez Cafe Italia ou jouer sa dernière partie de hockey. Parmi ces choses, une en particulier nous a tiré les larmes pendant quelques jours, et continue à l’occasion, même aujourd’hui, à venir nous brouiller la voix. Notre Mademosielle C. Une chatte aussi belle que grosse, aussi douce que gentille. On l’a eue avec nous pendant cinq ans avant de la laisser chez sa marraine juste avant de quitter pour Haïti. Chanceux dans notre peine, on a trouvé une marraine extraordinaire qui continue à entretenir régulièrement la place de notre Mademoiselle dans notre esprit et dans notre cœur. Jo s’était bien engagée à ne plus se faire prendre par ce genre de petite bestiole qui se creuse une place trop grande dans nos vies. Arrivé en Haïti, une jeune chatte a rapidement repéré la sensibilité de ma blonde et a réussi en quelques jours à faire fondre la crainte des puces. Elle se dresse devant notre porte à tous les matins au réveil et attend le retour de la Patrol pour venir chercher un peu de nourriture et d’affection en fin de journée. Ses miaulements sont redoutables. Nourrie la petite bête deux fois par jour. On achète de la bouffe au market et on garde les restants de poulet ou de poisson boucanés.  Hier soir, les voisins russes nous ont invité chez eux. Andrei venait d’apprendre une grande nouvelle, sa femme avait donné naissance à leur deuxième enfant dans la journée. Une petite fille qui n’avait pas encore de nom, les négociations entre Haïti et la Russie n’étant pas terminées.  On a donc bu de la vodka et du vin rouge avec nos quatre voisins et deux de leurs collègues (dont un québécois). Plus la soirée s’allongeait, plus la nuit se rétrécissait. Avant de quitter la maison des voisins, on a localisé notre nouvelle chatte bien enroulée sur le sofa ! Elle les drague eux aussi. Ainsi, avant de passer chez nous chercher son bol, elle s’est déjà faite engraissée par les voisins. Systématiquement donc, nos voisins la nourrissent avant nous. En racontant l’histoire à des collègues, on m’a confirmé que les haïtiens avaient la même tendance face aux orgaisations internationales, tirer son avantage à toutes les cantines.

dimanche 15 mars 2009

Boucler sa ceinture

Les hélicoptères qui m’on défrisé cette semaine ont apporté des bonnes nouvelles. Clinton et Ki-Moon ont tiré la conclusion que la situation du pays s’améliorait. Le temps est venu pour que les gens d’affaire de ce beau marché libre, de venir investir en Ayiti. On ne peut pas être contre la vertu … dans cette planète capitaliste. En même temps, l’histoire récente – même si je suis dans l’ordre d’un préjugé – montre que la méthode ‘sweatshop’ comme stratégie de développement d’un pays semble laisser de traces relativement positives. Il y a quelques pays en émergence qui commence à stresser les traditionnels pays riches. Il faut peut-être laisser la chance aux coureurs.  Dans son article de vendredi dans Le devoir, Taillefert nous rappelle que les défis sont quand même importants…. et que la sortie de crise-permanente passe par des appuis à la population la plus démunie du pays. 75% en fait ! Dans les derniers mois, j’ai été témoin à plusieurs reprises des difficultés d’une population qui naturellement se trouve sur la voie de garage du développement. En achetant une carte d’appel sur la rue, presque me chicaner avec un haïtien qui veut absolument me remettre, le sourire heureux, le double de la monnaie qu’il me devait. J’ai travaillé fort pour lui faire comprendre qu’il est en train de se fourrer lui-même. Sait pas lire, pas compter… Il vend des cartes d’appel toutes la journée sur la rue avec son dossard de Digiciel….Prendre l’avion pour le Canada avec une femme qui te présente son billet pour que tu l’amènes à son siège… sait pas lire pas écrire. Une autre personne dans l’avion en revenant à PAP qui te demande dans un anglais plus qu’approximatif de compléter les formulaires d’immigration  d’Haïti. Il me remet son passeport et ses papiers pour que j’y trouve toutes les informations et que je ne le questionne pas sur des détails. Un patient aux services des archives de l’hôpital qui ne sait pas sa date de naissance…. Juste son âge, 45 ans. En revenant du Cap-Haïtien cette semaine, directement sur ma gauche il y a un haïtien un peu âgé qui a visiblement fait des efforts pour se mettre sur son trente-six. Chapeau de feutre bleu entre les genoux, ses yeux me demandent quelque chose et nos connaissances linguistiques respectives ne permettaient pas de communion. Ses yeux inquiets et embarrassés qui regardent la boucle de la ceinture et respirent un point d’interrogation. Je lui attache sa ceinture avec enthousiaste en tentant se lui ‘enseigner’ la méthode. Le vol a été terrible. Pas attachés, on se serait écrasé la tête sur le plafond de la cage à poule. 20 minutes de vol qui laissent des traces durables. L’avion était sur le tarmac depuis trente secondes et ses ongles sales continuaient de faire une trace indélébile dans la cuirette du banc d’en avant. Une fois l’avion arrêté, il m’a de nouveau regardé dans les yeux et j’ai compris que ma leçon sur le bouclage de la ceinture n’avait rien donné. J’ai détaché sa ceinture et ne l’ai plus revu. Il s’est probablement sauvé en courant de cette machine moderne qu’est l’avion. 

lundi 9 mars 2009

Instabilité politique

Toute la journée, des hélicoptères ont circulé dans le ciel de PAP. Ban Ki-Moon et Bill Clinton, le mari de l’autre (Hillary, pas Ban), étaient en ville. Nos bureaux ont comme voisin d’en face, la résidence de l’ambassadrice américaine. Juste de l’autre côté de la rue. Il y a eu des passages d’hélicoptères tellement proches que même ma mise en plis n’a pas tenue ! Sérieusement, les deux hommes sont accompagnés d’une délégation de gens d’affaires venus ici pour faire le point sur la situation du pays. Que fera l’ONU avec sa force de maintien de la paix ? Elle décidera sûrement de rester, le pays n’est pas en mesure de gérer sa situation interne. On s’attend effectivement à un mois d’avril très chaud. Les élections sénatoriales risquent de mal se dérouler, les partisans d’Aristide ayant été définitivement exclus des élections. Selon certains observateurs, cette exclusion, décriée par le Canada et les États-Unis, ouvrirait la porte au retour de Titide : Si le parti ne peut exister sans son chef, dans une certaine perspective de la démocratie, permettons lui de revenir ! Les élections pourront ainsi bien se dérouler, tous les partis ayant droit de se présenter. Selon les journaux, Préval a souvent mentionné qu’Aristide pouvait revenir dès qu’il le souhaitait, rien de formel n’empêcherait sa présence au pays. Il faut se rappeler que les américains ont été un joueur clé dans son départ, les rumeurs fortes affirment que c’est eux qui auraient payé son billet d’avion… Depuis la fin du Kanaval donc, les partisans d’Aristide sont dans les rues et se sont engagés à perturber le processus électoral du mois d’avril. D’autres problèmes se pointent à l’horizon… Y parait que le grenier est vide et qu’une nouvelle crise alimentaire risque de faire rage. Y parait également que les États-Unis s’apprêtent mettre en application un jugement de l’immigration américaine  pour le rapatriement de 30 000 haïtiens illégaux vivant aux États-Unis. Tout le monde s’énerve autour d’Obama pour qu’il offre un statut de TPS (Temporary Protected Status) à ces haïtiens. Préval travaille fort pour ne pas avoir à gérer le retour de ces personnes. Pour finir, l’International Crisis Group (ICG) installé à Bruxelles a publié aujourd’hui un rapport annonçant une instabilité politique imminente en Haïti… J’espère que vous n’aurez pas à vous brancher sur Radio-Canada pour recevoir de nos nouvelles ?

Froid et innondations


Je devais faire un saut de puce au Québec au cours des derniers jours. Fallait quand même se rappeler de la vie dans le froid. Hé oui, j’aime l’hiver ! En pensant à quitter le Québec pour les Caraïbes à l'automne dernier, j'étais inquiet de ma capacité à vivre sans hiver. À vire à temps plein dans la chaleur. Ma courte expérience de trois mois a fait fondre cette appréhension (noter l’utilisation du terme fondre…). Il faut dire que l’hiver en Haïti est hautement agréable : les nuits sont fraîches (entre 14 et 17) et même si la température atteint 30 le jour, il y a toujours un vent frais qui rend le tout très confortable. Avant que je ne quitte pour le Canada, on a eu droit à quelques soirées bien arrosée. Ou la saison des pluies se manifeste un mois plus tôt que prévu, ou une simple dépression bien assise sur l’île, on ne sait pas trop encore.  La pluie a toutefois profité de mon absence pour donner du travail à Johanne. Deux soirées d’inondation où tout le monde de la maisonnée (Johanne, femme de ménage et garçons de cours) sauf moi  pris dans le froid du Québec, sandales ou bottes aux pieds, ont balayé de l’eau qui s’immisçait dans la maison. Des pluies assez fortes pour défoncer la barrière de fer 'normalement coulissante' de la maison, pour produire quelques glissements de terrains dans la rue. Un drain sur la terrasse de nos voisins serait responsable du problème.  En Ayiti, on trouve une main d’œuvre motivée très facilement. En quelques jours donc, tout est presqu’en règle. On a pompé l’eau de notre citerne (une grande piscine sous la maison qui nous garantit de l’eau toute l’année) devenue ‘brune’  par la terre transportée par les pluies, on l’a remplacée par une eau propre apportée par un gros camion citerne. La terrasse des voisins a été déconstruite pour changer le drain et la barrière de la cours réparée.  Je ne sais pas comment est la vie en période d’ouragan, mais j’ai maintenant une petite idée.