vendredi 19 décembre 2008

Le retour d’un haïtien

Il y a quelques jours, des haïtiens fêtaient le 16 décembre. Jour où, en 1990, Aristide a été élu pour la première fois. Fêtaient est un grand mot, disons manifestaient. Des centaines de personnes, peut-être des milliers, ont manifesté calmement partout dans le pays pour demander le retour d’Aristide. À la radio ou dans les journaux, cette question refait surface de manière régulière depuis que je suis ici. On me dit que le parti Fanmi Lavalas, le parti politique d’Aristide, remettrait cette question sur la table de manière continuelle. Dans la voiture avec Jean-Joseph, Claudette (celle qui nous donne un coup de main à la maison) et Johanne, on discute de la question. Claudette et Jean-Joseph veulent voir Aristide revenir au pays. Et pourquoi ? Mais… Parce que c’est un haïtien! Ils n’ont pas aimé sa présidence et sont tout à fait conscients des problèmes associés à son passage au pouvoir. Aucune crainte cependant de le voir revenir comme simple citoyen, selon la constitution il ne pourrait plus être président, deux termes étant le maximum qu’une personne peut faire à la présidence. Mon œil de sociologue patenté se questionne sur l’imperméabilité de cette distinction entre citoyen et président quand dans l’esprit de plusieurs, Titid (Aristide) continue de tirer beaucoup de ficelles dans le pays, mais là n’est pas le propos. Un Haïtien doit vivre en Haïti ! Cette question de la nationalité – et je ne parle pas ici de nationalisme – est très forte chez les haïtiens. Il existe en fait un débat sur la double-nationalité (http://www.garr-haiti.org/spip.php?article303), débat non négligeable considérant l’importante diaspora haïtienne (en nombre et d’un point de vue économique). La constitution haïtienne interdit effectivement toute forme de double-nationalité. Au plan des valeurs collectives, les gens qui acceptent une autre nationalité – donc abandonne la nationalité haïtienne – peuvent être perçus comme des traîtres. À l’inverse, le pays se priverait de la mobilisation et de l’implication de plusieurs haïtiens éduqués et riches qui ont quitté le pays. Un vice-recteur de l’Université d’État se questionnait récemment sur les ressources intellectuelles haïtiennes actives dans d’autres pays qui ne peuvent pas venir soutenir le pays à sortir de sa situation actuelle. Certains haïtiens ayant joué des rôles politiques ou sociaux importants ailleurs dans le monde (il y a un haïtien dans la garde rapprochée d’Obama par exemple) pourraient faire profiter le pays de leur expérience et de leur réseau. C’est impossible. Cet été, lors des démarches compliquées du choix d’un premier ministre (dans les faits ce sera une première ministre), les politiciens ont rejeté la candidature d’une personne qui ne pouvait la faire la preuve hors de tout doute de son haïtiennité ! Des papiers de naissance des arrière-grands-parents introuvables ou quelque chose du genre. Que cet argument ait été central ou une simple façade dans la décision des parlementaires, ça nous permet de comprendre la dimension hautement symbolique de la nationalité haïtienne.

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